La santé des cultures est au cœur de tout système de production. L’agriculture biologique n’échappe pas à la règle. Historiquement basée sur un certain nombre de mesures prophylactiques, la protection des cultures en Bio évolue et intègre de plus en plus une approche de soutien des plantes à la gestion des stress par l’application de bio solutions.
Le développement de nouveaux débouchés, la forte pression parasitaire sur certaines productions, ou les excès climatiques de plus en plus fréquents, accélèrent la recherche dans le domaine de ces nouveaux modes de protection des cultures.
Un état des lieux de l’approche de la protection des cultures en bio, illustré par la culture de la féverole d’hiver, peut s’avérer intéressant et être source d’inspiration pour l’ensemble des modes de production.
1. Les principes de base des systèmes bios
En Agriculture Biologique, la protection des cultures repose sur plusieurs principes qui mettent en avant la prévention :
La rotation :
Mettre en place une succession de cultures qui minimise les risques ravageurs et maladies. Par exemple, on évitera autant que possible l’implantation d’un blé sur blé.
Exemples de rotations théoriques :


Le choix variétal :
Prépondérant dans la gestion des maladies, les variétés sont adaptées et réfléchies en fonction des risques liés.
Par exemple, en blé, une variété avec une note de résistance à la rouille inférieure à 7 a très peu de chance d’être multipliée.
La gestion de la fertilisation azotée :
L’apport d’azote à libération rapide amené par les engrais de synthèse est interdite par le cahier des charges Bio. Les engrais organiques, les légumineuses et les couverts amènent de l’azote à libération lente. De plus, les quantités apportées demeurent faibles. Cela entraîne un développement moindre des adventices annuelles et diminue le risque d’apparition de certaines maladies, telle que la septoriose des blés.
L'association d'espèces :

Les mélanges céréales / protéagineux ont de multiples vertus, notamment celles de réduire les attaques de ravageurs tels que les pucerons.
Implantation réussie à l’automne 2020 de blé dur avec de la féverole dans les essais de l’Ile d’Elle (85).
Ce mélange a permis un gain significatif de protéines sur blé.
Exemples de mélanges types :
Blé 380 grains/m2 + Féverole 15 grains/m2
Triticale 350 grains/m2 + Pois Fourrager 20 grains/m2
Orge printemps 320 grains/m2 + Pois de printemps protéagineux 30 grains/m2
Un objectif de rendement en adéquation avec le potentiel pédoclimatique annuel :
La recherche systématique de l’atteinte du potentiel de rendement maximum de chaque culture n’est pas coutume. Qui plus est, la mise en place d’une culture peu productive et/ou peu rémunératrice, mais qui améliorera la production de la culture suivante est fréquente. La rémunération des productions bios en phase actuellement avec la réalité des marchés permet d’accepter ces pertes de rendement éventuelles. La rentabilité d’une culture se calcule à l’échelle de la rotation et non pas à son résultat d’une année, ce qui permet plus de flexibilité.
Les principes de base de l’Agriculture Biologique tendent à réduire les risques de stress biotiques. Cependant, maladies et ravageurs ne peuvent pas tous être gérés de manière prophylactique et il convient de se poser des questions pour réussir à obtenir une production régulière pour certaines cultures telles que : les protéagineux, les oléagineux et les légumes secs.
De même, il demeure pour les cultures dites industrielles (ou légumes de plein champ) un risque conséquent de perte de rendement par faute de stress biotiques liés à leurs conditions de production et à leurs niveaux de sensibilité, ainsi qu’à la recherche de qualité pour leur conservation post-récolte notamment.
Enfin, en partant du constat qu’une culture non stressée va exprimer tout son potentiel et être de surcroit moins sensible aux ravageurs, la gestion des stress abiotiques fait partie des sujets travaillés d’un point de vue technique en Bio aujourd’hui, qu’il s’agisse d’applications sur semences ou en végétation.
Ainsi, comme en agriculture conventionnelle, il est de plus en plus question de bio solutions en agriculture biologique, qu’il s’agisse de :
Biocontrôles :
pour la gestion des stress biotiques (ravageurs et maladies).
Biostimulants :
pour la gestion des stress abiotiques liés aux variations du climat (sécheresse, excès d’eau, froid, chaleur).
2. Produire des protéagineux d’hiver en bio

La féverole d’hiver et les pois d’hiver sont des cultures intéressantes et nécessaires en bio, tant pour la pérennité des systèmes de production que pour les besoins des filières. Cependant, leur production en pur est rendue très compliquée par la pression maladies notamment. En effet, les blessures occasionnées par le gel et le désherbage mécanique permettent à l’ascochytose de pénétrer dans les tissus végétatifs, ce qui peut engendrer des pertes de rendement conséquentes.
Pois d’hiver nanifiés au printemps 2020 (sud 89), suite à la présence conséquente de sitones et de pucerons. La culture sera détruite et semée en tournesol.
La production de protéagineux en association avec les céréales est encore une fois très intéressante pour multiples raisons et entre autres la baisse de la pression maladies. La faisabilité se heurte cependant à la réalité des marchés et à l’absolue nécessité de réaliser un triage parfait post-moisson. La séparation des mélanges est une véritable source de contraintes tant pour les agriculteurs que pour leurs organismes stockeurs. Par exemple, les brisures de féverole présentes dans du blé après triage sont considérées comme des impuretés, donc elles ne doivent pas dépasser le seuil de 2%.
Pour aider les producteurs bio à réussir la production régulière de protéagineux, il peut donc s’avérer donc nécessaire d’établir des programmes à base de bio solutions utilisables en agriculture biologique (UAB), afin d’aider ces plantes à mieux résister aux stress biotiques et abiotiques et d’atteindre un meilleur niveau de rendement.
3. Les interventions possibles en fèveroles bios
Le programme ci-dessous reprend pour partie les interventions possibles en féverole d’hiver, au regard des retours d’expériences positifs de nos équipes et clients.
Les agrobiologistes ont très peu recours à l’ensemble du programme énoncé, mais sont de plus en plus nombreux à intégrer l’une ou l’autre des solutions dans leurs systèmes.
ATTENTION : aucune de ces mesures n’a vocation à permettre à un producteur de s’affranchir de respecter les principes de bases de l’agriculture biologique. Ainsi, il reste absolument nécessaire de maintenir un délai de 4 ans entre la culture de 2 protéagineux.
Les 3 étapes clés pour la réussite de la féverole sont :
La levée : limiter les pertes
La sortie d’hiver : stimuler le redémarrage et réduire les impacts négatifs du gel et du désherbage mécanique
La floraison : limiter la pression insectes et maladies
1. La levée :
Il est possible d’enrober la semence avec un engrais à base de plantes (ortie, achillée millefeuilles, écorce de saule), afin de stimuler la vigueur au départ.
OCASE 1 l/ql de semences.
L’application d’un complexe bactérien au sol va permettre de stimuler la croissance racinaire, tout en réduisant la future pression fongique.
DECHAUM’ACTIV 200g/ha à appliquer de post-semis à stade 2 feuilles.
2. La sortie d’hiver :
La silice joue différents rôles dans le sol et les plantes. Elle doit notamment permettre aux végétaux d’améliorer leur résistance mécanique.
Apporter un produit riche en silice en sortie d’hiver va aider la féverole à mieux gérer les stress printaniers.
POLAWIX POUDRE 3 kg/ha à appliquer le soir en dehors d’une forte période de stress hydrique.
L’association d’algues, de bore et de molybdène va stimuler la croissance des féveroles et améliorer la floraison à venir.
FERTI BOOST B.M.O 3 l/ha à appliquer dès l’apparition des premiers boutons floraux.
Présence de pucerons noirs de la fève avant floraison (Nord 89). Avec des substances naturelles, il ne faut pas attendre l’installation conséquente de colonies, mais intervenir dès l’apparition des premiers insectes.
L’application d’une Préparation Naturelle Peu Préoccupante (PNPP) à base de substances naturelles associée à du savon noir va permettre de renforcer les défenses des plantes et de retrouver un bon équilibre ravageurs / auxiliaires :
ALF 5% + SAVON NOIR 2% du volume d’eau à appliquer en fin de journée.
3. La floraison :
Gestion des maladies :
L’apport d’un engrais à base de plantes, de terre de diatomée et de cuivre va diminuer la pression de spores pathogènes à la surface des feuilles et stimuler les féveroles. L’apport de Soufre en foliaire va écarter les risques de carences latentes en période de forte mobilisation des éléments nutritifs.
FORTISILICA 1l/ha + EPSO TOP 3kg/ha à appliquer sur des plantes en bon état végétatif.
Gestion des bruches :
L’application d’une PNPP à base de substances naturelles à usage biostimulant va permettre aux plantes de renforcer leurs défenses naturelles, tout en cherchant à maintenir sur les parcelles un juste équilibre ravageurs / auxiliaires.
SOF 10 l/ha + HELIOSTIK 0,4 l/ha à appliquer pour un volume de 100l d’eau/ha. L’HELIOSTIK agira en qualité d’adjuvant. L’intervention se fera en fonction des vols et des résultats des piégeages.
Le service Agronomie, Conseils, Innovation travaille à la mise en place d’expérimentations sur ces thématiques. Les essais 2020/21 menés en féveroles d’hiver Bio n’ont malheureusement pas pu être récoltés à cause d’un enherbement trop conséquent et des conditions très humides de la moisson.
Des expérimentations sont conduites depuis deux ans sur les thèmes des bio solutions tant en agriculture biologique, conventionnelle, que de conservation des sols. Les équipes de Soufflet Agriculture se forment régulièrement vis-à-vis de ces nouvelles approches de conduite des cultures qui viennent bousculer les habitudes historiques liées à l’usage des solutions chimiques.
Le service Agronomie, Conseils, Innovation - Novembre 2021