Les bases du raisonnement de la fertilisation de fond
Le raisonnement de la fertilisation de fond en phosphore et potassium se base sur la méthode du COMIFER qui tient compte de 4 critères :
1. L’exigence des cultures
2. Les teneurs en P et K du sol
3. L’historique de fertilisation
4. Le devenir des résidus de récolte
Pour plus de détails sur la méthode de raisonnement des apports, retrouvez notre article sur la fumure de fond de 2024 en cliquant ici.
Assurer un environnement physico-chimique favorable avant de fertiliser
Une structure et un environnement chimique du sol (pH) favorables permettront de valoriser au mieux chaque unité d’éléments apportée.
1. Vérifier la structure du sol
Un sol compacté ne permettra pas aux cultures de s’enraciner correctement et limitera le volume de terre exploré par les racines (nutrition hydrique et minérale limitée). Vérifier la structure du sol via la réalisation d’un profil de sol ou à minima par un test à la bêche. Dans le cas où un tassement est identifié et si ce dernier est sévère (absence ou forte diminution de la densité racinaire au-delà de la zone tassée, absence de porosité, limite nette entre horizons), une intervention mécanique sera nécessaire.
2. En contexte de sol acide, vérifier le statut acido-basique
Deux indicateurs sont à prendre en compte pour l’évaluer. D’une part la saturation de la CEC (objectif > 90%) et d’autre part le niveau de pH eau (objectif entre 6,5 et 7). Le pH a un effet direct sur la disponibilité des éléments. Si l’un des indicateurs n’est pas à l’optimum, un chaulage est à envisager afin de permettre une bonne valorisation de la fumure de fond.
Zoom sur le phosphore
La fertilisation en phosphore est indispensable afin d’entretenir l’offre du sol et d’assurer un état nutritionnel satisfaisant des cultures. Le phosphore est le deuxième élément le plus important pour la croissance des cultures après l’azote. Il joue un rôle crucial dans la photosynthèse, le transfert d'énergie et la synthèse des acides nucléiques. Cependant, sa gestion est complexe en raison de sa dynamique particulière dans le sol et de sa très faible mobilité. Afin d’optimiser les apports, il est indispensable de comprendre la dynamique du phosphore et ses différentes formes dans les sols.
Les formes du phosphore dans le sol :
Il existe plusieurs formes de phosphore dans le sol. Elles sont regroupées en deux grandes réserves :
1. Réserve organique de phosphore
Le phosphore est présent sous forme organique à hauteur de 50% à 70% dans le sol. Il s’agit du phosphore contenu dans l’humus du sol et la matière organique apportée (fumier, résidus de cultures...). Il n’est pas disponible directement et doit subir une phase de minéralisation pour pouvoir être absorbé par les cultures.
2. Réserve minérale de phosphore
Le reste du phosphore est du phosphore inorganique à hauteur de 30% à 50% qui comprend différentes formes :
Ions HPO4 2- et H2PO4- libres dans la solution du sol (directement assimilable par les cultures) ou adsorbés sur le complexe argilo-humique. Les ions adsorbées peuvent être échangés contre des ions négatifs, permettant leur remise en solution. Ils peuvent ainsi être prélevés par les cultures.
Phosphore lié aux minéraux du sol : phosphate de calcium en sols calcaire et phosphates d’aluminium en sols acides. Ces formes sont plus difficiles à extraire pour les cultures, une extraction lente par les racines des cultures est toutefois possible.
Les sols contiennent entre 400 et 1 200 kg/ha de phosphore potentiellement disponible, et jusqu’à 10 t/ha de phosphore total dans les sols les plus riches (incluant les formes de phosphore non assimilables par les cultures). La solution du sol ne contient que 0,1 à 0,4% du phosphore total. Il y est présent sous forme ionique immédiatement disponible pour les plantes (HPO4 2- et H2PO4-). C’est la seule forme assimilable par les racines.
Dynamique et évolution des formes de phosphore
Les cultures absorbent le phosphore de la solution du sol, qui fournit près de 80% du P prélevé par les racines. Les prélèvements sont compensés au fur et à mesure par les échanges avec le phosphore en réserve. Ces échanges sont permis par des ions négatifs (OH-) et sont favorisés par des pH proche de la neutralité. Dans les sols à pH extrême, les phosphates sont rétrogradés sous des formes cristallines (phosphates de fer et d’aluminium à pH < 5 ou phosphates tricalciques à pH >8). Ces formes sont très difficilement assimilables, leur extraction est possible par les racines mais sur un pas de temps très long.
Mécanismes d’absorption du phosphore
Solubilisation du phosphore par les racines :
Dans la zone autour des poils absorbant, le pH du sol diminue fortement grâce à l’excrétion d’ions H+ et d’acides organiques par les racines, permettant de solubiliser le phosphore fixé. Le phosphore se transforme en ions HP04 2- et H2PO4- qui pourront être absorbés.
Solubilisation par les microorganismes du sol :
Les mycorhizes associés aux racines (symbiose) permettent de décupler la surface d’absorption des poils absorbant. Ce mécanisme permet aux cultures de mobiliser des ressources en phosphore qui seraient inaccessibles aux racines (le phosphore étant un élément peu mobile).
Certaines bactéries présentent dans la rhizosphère solubilisent le phosphore inorganique en sécrétant des acides organiques (acide malique, acide oxalique, …). Les acides sécrétés vont abaisser le pH pour libérer et transformer les phosphates complexés en formes assimilables par les cultures.
D’autres types de bactéries vont minéraliser le phosphore organique (notamment les phytates).
> L’entretien de l’état organique et biologique du sol est un facteur à ne pas négliger pour assurer une nutrition satisfaisante des cultures en phosphore.
Devenir des engrais phosphatés dans les sols :
Une petite partie seulement du phosphore apporté va directement être absorbé par les cultures. Son coefficient réel d’utilisation est de 15 à 20%. Le restant sera mis en réserve sous différentes formes et une partie sera disponible pour les cultures les années suivantes. En contexte défavorable (sols à pH extrême, calcaire), le phosphore mis en réserve sera rapidement rétrogradée et très difficilement accessible les années suivantes pour les cultures. L’intensité de ce phénomène de rétrogradation varie selon le type de sol et son pouvoir fixateur.
Le phosphore protégé : une innovation permettant d'améliorer l’efficience du phosphore
Afin de limiter le phénomène de rétrogradation et d’augmenter l’efficience des apports de phosphore dans les sols sensibles, plusieurs technologies ont été développées :
La première technologie consiste à encapsuler l’élément dans un polymère biodégradable qui va permettre une libération progressive et contrôlée. Le phosphore est libéré progressivement en fonction de l’absorption par la culture.
La seconde technologie consiste à enrober le phosphore avec un copolymère d’acides carboxyliques (acides maléique et itaconique). Ces acides sont chargés négativement et vont attirer et neutraliser les cations responsable du blocage du phosphore (calcium, magnésium, fer, aluminium).
Ces technologies permettent de réduire la rétrogradation de près de 30%.
Localisation de l’engrais
La localisation présente un intérêt particulier pour le phosphore, car c’est un élément peu mobile dans le sol (déplacement de quelques millimètres par an). Localiser l’apport au semis permet d’apporter l’élément au plus près des racines, lorsque les cultures en ont le plus besoin (stade juvénile). C’est à cette période qu’une carence est le plus préjudiciable.
Quelques exemples de solutions pour l’apport en localisé :
L’apport d’un engrais en localisé au semis ou à la plantation peut se faire avec du phosphore seul ou avec un engrais contenant de l’azote (starter).
Plusieurs formulations existent en N-P dans notre gamme :
EXTANCIA 12-30-00 + 21SO3
POLYPHOS 09-24-04 + 2MgO + 18 SO3
11-27-00 + 26SO3
08-20-00 +27SO3 +11 CaO
Une formulation en phosphore protégé seul existe également :
PHOSTIME 00-24-00 + 24 SO3
! Les formules présentées peuvent également s’utiliser dans des apports en plein !
Des solutions à base de microorganismes peuvent également être utilisées en apport localisé. Comme nous l’avons évoqué précédemment, les microorganismes vont jouer un rôle crucial dans la solubilisation du phosphore. L’association de granulés avec certaines souches de bactéries permettra à la fois de stimuler la croissance racinaire des cultures au stade juvénile, (meilleur accès aux ressources en P) et de solubiliser le phosphore fixé (meilleure disponibilité pour les cultures).
Nous vous proposons dans notre gamme un engrais binaire NP additivé avec la bactérie Bacillus IT45, le Bacilia 11-27.
Enfin, l’utilisation d’engrais micro granulé en localisé permet d’améliorer la répartition et l’homogénéisation du phosphore. La taille des billes d’engrais étant beaucoup plus faible, la surface de contact avec le sol est maximisée permettant d’augmenter la teneur en P dans un volume de sol plus conséquent. Ce type de solution est apportée via le distributeur micro granulé insecticides. Nous proposons dans notre gamme le Rhizofort (12-48-0 + Zn).
L’utilisation de phosphore protégé et la localisation des apports sont deux leviers majeurs pour améliorer l’efficience des unités apportées. Une réduction des doses par rapport à des apports en plein avec des formes classique est envisageable, cependant il faut noter que les apports doivent dans tous les cas compenser les exportations pour maintenir le niveau d’offre en phosphore du sol.
Un point sur la potasse
Le potassium interagit avec les autres éléments, en particulier avec l’azote. Un déficit en potassium limitera l’efficacité de la fertilisation azotée.
Une fois apporté au sol, le potassium peut être soit adsorbé sur la CEC, soit fixé sur les argiles. En sols légers avec un faible pouvoir fixateur, le potassium peut être lessivé. Un fractionnement des apports est fortement recommandé dans ce cas pour éviter au maximum les pertes.
Les formes principales d’apport du potassium sont les formes chlorures, les formes sulfates ou nitrates. Les formes sulfates sont à privilégier pour les cultures suivantes :
- Cultures sensibles au chlore (pois, pomme de terre, lin fibre)
- Cultures nécessitant des apports élevés (cultures fourragères et industrielles)
Il est possible de combiner des apports de P et K en même temps en un seul passage avec l’utilisation d’un engrais binaire PK. Quelques exemples de références de notre gamme : 00-10-25 + 4 MgO + 19SO3 ou 00-20-05 + 2 MgO + 26 SO3.
Quid du magnésium ?
Le raisonnement de la fertilisation en magnésium se repose exclusivement sur la teneur du sol. En dessous d’un certain seuil (dépendant du type de sol et de la taille de la CEC), il y a un risque de carence.
Teneurs seuils en fonction du niveau de CEC du sol

Les carences en magnésium restent rares en grandes cultures. Un apport est tout de même conseillé lorsque la teneur du sol est faible ou pour entretenir la fourniture du sol.
Le magnésium peut s’apporter sous forme de sulfates (Kiésérite), sous forme de carbonates (via les amendements calco-magnésiens) ou sous forme d’oxydes. La forme sulfate est la plus assimilable. Elle est entièrement soluble dans l’eau et est recommandée dans les situations carencées ou lorsqu’une action rapide est recherchée. Cette forme est à privilégier dans les sols neutres ou basiques.
Dans les parcelles nécessitant un simple entretien en magnésium, des apports sous formes d’oxyde et de carbonates sont possibles. Ces formes sont particulièrement adaptées aux sols acides, car elles auront en plus un effet de correction sur le pH du sol (neutralisation de l’acidité).
Si un apport en potassium et en magnésium est nécessaire, nous vous proposons le polysulfate (14 SK-6Mg-48SO3).
Les produits organiques sont aussi des fertilisants
Les apports d’amendements et d’engrais organiques ont pour objectif principal d’entretenir le capital en matière organique du sol et de stimuler son activité biologique. Cependant, ils apportent également un ensemble d’éléments fertilisants. Les produits organiques peuvent être utilisés avec un double objectif de soutenir la fertilité organique et biologique du sol et d’apporter des éléments fertilisants.
Un autre aspect non négligeable des produits organique est l’impact positif sur la structure du sol et sa porosité. Ces produits combiné à un amendement adéquat permettront d’améliorer fortement la structure et la vie du sol.
Les apports de potassium et de magnésium des produits organiques ont la même efficacité que les apports sous forme minérale (100% de potassium et du magnésium est disponible l’année de l’apport). Concernant le phosphore, 80 à 85% du P total apporté est disponible l’année de l’apport.
Quelques exemples de produits organiques disponibles à notre gamme sont donnés ci-dessous, avec les valeurs de teneurs en MO et P-K-Mg, en kg/tonne de produit brut. Les teneurs exactes des produits livrés sont variables (renseignez-vous auprès de votre ARC). Ces produits sont livrés en vrac.
